Les jardins thérapeutiques sont plus que des jardins, ce sont des espaces de vies voulus et pensés par tout un établissement. Voici à nouveau un bel exemple de projet de jardin thérapeutique mené par l’EHPAD des Mésanges Bleues à Charensat (63), racontée par Evelyne Mouillet, directrice de l’établissement.
Bonjour Mme Mouillet, vous êtes directrice de la maison de retraite des Mésanges Bleues, pouvez-vous nous présenter votre établissement et pourquoi vous avez souhaité réaliser un jardin thérapeutique?
Nous souhaitons créer un jardin à vocation thérapeutique répondant aux cinq sens dans un espace sécurisé et clos sans pour autant que les résidents de l’établissement aient une sensation d’enfermement.“L’EHPAD « Les Mésanges bleues » accueille 45 résidents, la démarche qualité mise en œuvre tend à faire de cet établissement un lieu de vie adapté aux personnes hébergées, en leurs proposant des activités et des locaux permettant leur épanouissement au quotidien.
Cet espace sera conçu pour le bien-être des résidents, les ateliers proposés favoriseront par des animations : le maintien de l’autonomie, le lien et la communication avec les autres (résidents, familles, personnel…) et la nature.
Il aura également une vocation intergénérationnelle, des rencontres avec les enfants des écoles, les enfants du personnel et les familles des résidents seront proposés autour des différents ateliers prévus.”
Comment avez-vous eu l’idée de créer un jardin thérapeutique?
“L’EHPAD est à taille humaine, ce qui permet une qualité d’accueil et de prise en charge des résidents par un personnel soignant compétent, encadré par un médecin coordonnateur, l’équipe soignante est composée de 3 infirmiers, 11 aides-soignantes ou AMP et 1 animatrice, secondée par un ergothérapeute et une psychologue.
De nombreuses activités ont déjà été développées dans l’établissement avec le soutien de la direction et de la municipalité.
Le souhait de pouvoir réaliser des ateliers en extérieur est grandissant, autant au niveau du personnel que des résidents eux-mêmes, cependant les espaces extérieurs existants ne sont pas valorisés et difficilement accessibles.”
Lors de l’évaluation interne menée en équipe pluridisciplinaire, avec la participation des résidents dans le cadre de l’amélioration de leur qualité de vie au sein de l’établissement et de l’ouverture sur l’extérieur, il est notamment apparu un besoin d’espace extérieur.
Cette idée, nous a parue intéressante, d’autant plus que l’établissement dispose de terrain autour des bâtiments, non utilisés d’environ 2000 m².
Nous avons développé cette idée, afin de donner à ce projet une dimension plus humaine, plus soignante et plus innovante qu’un simple jardin d’agrément.”
A partir de cette idée, comment avez-vous développé le projet?
“Des groupes de paroles ont été organisés par l’animatrice pour définir les souhaits des résidents.
Une équipe pluridisciplinaire, encadrée par la direction et l’ergothérapeute a répertorié les besoins en corrélation avec les souhaits des résidents et défini le projet.
Le projet ainsi engagé, nous avons fait appel à des spécialistes pour élaborer une étude de faisabilité.
Trois propositions nous sont parvenues, et nous en avons retenu la plus représentative de nos souhaits.”
Quels étaient les objectifs du jardin?
“Le jardin que nous souhaitons créer dans l’établissement, doit répondre à une dimension passive et interactive.
Il doit être conçu comme un lieu d’épanouissement et de plénitude où le regard se laisse porter par le paysage et reçoit à la fois des messages centrés sur la réminiscence – jouant à la fois sur la notion d’exister et créant un lien avec soi-même et le reste du monde (les autres, les souvenirs, l’environnement…)
Se promener simplement ou s’asseoir dans ce jardin apportera des effets thérapeutiques sur le meilleur respect du rythme circadien, les 5 sens, la notion d’espace et de temps.
Le jardin devra également porter une dimension proactive.
Un ensemble d’ateliers seront proposés dans le jardin avec des cibles spécifiques associées aux dérèglements liés à la maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée.
Ces animations portées par des gestes simples vont favoriser le maintien de l’autonomie, le lien et la communication avec les autres et l’environnement.
Agréable à contempler de l’intérieur de l’établissement, le jardin sera une invitation permanente à la promenade, une déambulation encadrée et la présence de clôtures les plus discrètes possibles pour veiller à la sécurité des résidents.
Le résident doit avoir envie d’y aller et d’y retourner sans avoir peur de chuter ou de se fatiguer. Des allées de circulation adaptées aux personnes à mobilité réduites seront aménagées, ainsi que des espaces de repos et des rampes de déambulation pour faciliter la démarche.
Des circuits ouverts permettront aux résidents de cheminer sans jamais faire demi-tour, afin de ne pas avoir l’impression d’un espace clos.
Le choix des végétaux non toxiques, permettra aux résidents se promener sans danger et également d’accueillir en sécurité des enfants.
Des ateliers proactifs seront proposés aux résidents et aux enfants accueillis, donc voici quelques exemples :
- Cadran solaire végétal et humain
- Banc végétal – Théâtre végétal
- Atelier découverte de soi
- Atelier équilibre – motricité
- Atelier des sons
- Atelier culture – rempotage – reconnaissance des végétaux
- Atelier cueillette des fruits
- Atelier village animalier
Le jardin sera optimisé pour limiter l’entretien, une notice d’entretien sera formulée et le personnel en charge de l’entretien sera formé.
Un emploi sera créé sous la forme d’un contrat d’avenir à temps plein.”
Quelles ont été les lignes directrices du projet?
“Le jardin est conçu autour du résident et en tenant compte des besoins définis.
Une passerelle permettant un accès central sera installée à l’étage.
Cet espace comporte des espaces conviviaux, un carillon, des jardinières ergonomiques, un cadran solaire végétal et humain, cercle couleur…
L’espace animalier est visible de l’extérieur du jardin, situé du côté rue, chaque passant peut profiter des animaux lors de promenade.”
Comment allez-vous investir les lieux? Quels sont les usages prévus?
“Les activités proposées dans le jardin seront programmées en fonction du projet de vie de chaque résident, en tenant compte de leur vécu et de leur pathologie.
Tout le personnel se sent impliqué dans la démarche et chacun pourra organiser des activités dans le jardin en fonction de ses compétences.
Exemples :
- Goûter à l’extérieur avec le personnel de service
- Activités nouvelles (jardinage, cueillette des fruits, arrosage, fabrication de nichoirs…) favorisées par l’animatrice et l’ergothérapeute
- Incitation à la marche par le personnel soignant ou les kinésithérapeutes
- Utilisation des différents ateliers prévus (après une formation spécifique du personnel)
- Entretien du village animalier
Un projet pédagogique est à l’étude avec les enseignants pour proposer aux enfants des activités ludiques et éducatives.
Le jardin sera toujours accessible, les résidents déments pourront utiliser cet espace, sans être accompagnés et pourront déambuler en toute sécurité dans un cadre agréable et apaisant.
Un planning d’utilisation du jardin sera pensé dans le respect des saisons et du rythme circadien des résidents, en fonction des compétences professionnelles des agents présents afin d’en optimiser la vocation thérapeutique.”
Comment allez-vous évaluer les effets bénéfiques du jardin?
“Leurs effets bénéfiques font l’objet d’évaluations continues et portent sur :
- Plus d’apaisement et moins d’agitation
- La stimulation et la réminiscence
- Le respect du rythme circadien
- La maîtrise du geste et l’autonomie
- La communication et le sens de l’orientation
A la fin de chaque séance, une fiche d’évaluation sera réalisée par le personnel en fonction des critères suivants :
- Avant la séance : remarques sur l’invitation
- Pendant la séance : réaction face à l’environnement, aux consignes, relation avec l’animateur, les autres résidents ou autre, bilan / aux attentes
- Après la séance : comportement du résident, préférences pour la prochaine séance”
Il serait intéressant d’utiliser ces évaluations pour “démontrer” l’impact sur les résidents.
“L’établissement est bien évidemment intéressé par les évaluations menées au niveau départemental, régional ou national, afin d’améliorer le but thérapeutique du jardin et par l’approche non-médicamenteuse de l’accompagnement des Résidents.
A ce titre nous avons évoqué une collaboration avec la société spécialisée qui a fait l’étude dans cette optique, cette démarche sera approfondie dès que la réalisation du jardin sera effective.”
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